Les éducateurs dans la famille

1 La mère et la nourrice

1.1 Les mères

Les sentiments que la mère médiévale éprouve pour son enfant sont très forts. de très nombreux documents laissent voir des traces d'affection et de tendresse. Dans les récits de miracles des XIIeme et XIIIeme siècles, la mère exerce sur son petit enfant une étroite surveillance, se montrant toujours très attentionnée à son égard. La métaphore associant Dieu ou l'Église à la mère et le croyant au petit enfant est récurrente dans la mythologie chrétienne.
La mère médiévale joue un rôle particulièrement important dans l'éducation de la jeune fille, en lui transmettant un certain nombre de qualités, de savoir-faire dans le domaine domestique et amoureux afin de la préparer à sa future vie de femme. Le développement du thème de la connivence mère-fille dans la littérature montre l'inquiétude des hommes et de l'Église face à la diffusion de valeurs entre mères et filles, ces «secrets de bonnes femmes» qui leur échappent.

1.2 La nourrice

Le personnage de la nourrice est très présent dans la littérature romanesque, qui met en scène des milieux aristocratiques où la pratique de l'allaitement mercenaire est fréquent, comme elle l'est aussi sans doute dans les milieux nobles et bourgeois de la fin du Moyen Âge. Mais il serait bien imprudent de conclure à son importance réelle. De fait, dans la grande majorité des familles paysannes médiévales, l'allaitement est surtout maternel. Au Moyen Âge, les hommes et les femmes sont persuadés que le lait transmet, de manière héréditaire, les vertus de la mère et du lignage maternel. Pour les cas où le recours à une nourrice est nécessaire (incapacité de la mère, habitudes aristocratiques et bourgeoises de la fin du Moyen Âge), les médecins donnent de nombreux conseils sur le choix de la nourrice pour que les valeurs qu'elle transmettra à l'enfant soient bonnes.
L'allaitement, qu'il soit maternel ou mercenaire, dure deux ans environ. La mise en nourrice, comme toute les formes de circulation de l'enfant au Moyen Âge, ne doit pas être interprétée comme un désintérêt pour l'enfant, pour au moins trois raisons :
Il s'agit d'une volonté parentale de bien-être de l'enfant;
Les parents continuent à entretenir ou reprennent rapidement de bonnes relations avec leur progéniture;
L'enfant en nourrice ne manque pas d'affection.

2 Le rôle du père

La promotion du mariage chrétien a été accompagnée, depuis le XIIeme siècle, du rappel insistant des devoirs des parents envers leurs enfants, et d'autre part d'une attention renouvelée à la réalité du couple. Saint Thomas insiste même sur la participation nécessaire du père à l'éducation des enfants. Cet enseignement des pères est attesté :
Le père de Gerson;
Les hommes du village de Montaillou;
Le chevalier de la Tour-Landry, qui écrit un Livre pour l'enseignement de ses filles.

2.1 La relation filiale

Si l'amour paternel paraît globalement plus mesuré que celui de la mère, il n'en demeure pas moins très fort et de nombreux exemples médiévaux existent qui attestent l'existence d'un père sensible, proche de ses enfants, partageant leurs joies et leurs peines.
De nombreuses sources montrent que le père est très présent aux côtés des enfants, garçons et filles, dès les premiers âges. Dans les récits de miracles des XIIeme et XIIIeme siècles, sa présence auprès des enfants de moins de trois ans est aussi forte que celle de la mère et on le voit par exemple «materner».
Le développement du culte de Saint Joseph, à partir du XIVeme siècle, n'est sans doute que l'aboutissement et l'expression la plus visible de l'existence d'un père nourricier et tendre au Moyen Âge. Saint Joseph est honoré car il est resté chaste dans sa vie de couple et il n'est pas le père géniteur de Jésus. Il est le symbole de celui qui, en dehors de tout lien de filiation charnelle, a défendu sa femme et son enfant par amour pour Dieu.

2.2 Le rôle éducatif du père

Les images plus profanes de la fin du Moyen Âge laissent voir une grande complicité père-enfant, dans le jeu comme dans le travail (ramasser les glands pendant que le père abat un chêne, effrayer les oiseaux pendant qu'il sème, tenir les pattes du mouton qu'il tond, l'aider à fouler le raisin dans la cuve). C'est une manière d'enseigner progressivement un métier à l'enfant.
Lorsque l'enfant grandit, le rôle éducatif du père est aussi essentiel. Les pédagogues conseillent aux pères de «chastier» leurs enfants, c'est-à-dire de les réprimander et de les instruire; ils insistent aussi sur la nécessité d'une grande modération des coups pour qu'ils soient efficaces. Dans les sources narratives, il est exceptionnel de voir un enfant battu par son père. Les rares cas d'enfants battus concernent presque toujours des orphelins. Le père, dans ce type de source, protège mais ne bat pas.
Comme les moines face aux novices dans les monastères, les pères doivent enseigner pro verbo et exemplo. Si l'éducation paternelle médiévale se déroule plus dans la douceur que dans la violence, elle n'en demeure pas moins une nécessité. L'absence de conseils paternels est dramatique pour la suite de l'existence.

3 Les grands-parents

On rencontre peu de grands-parents dans les sources médiévales, essentiellement à cause de la faiblesse de l'espérance de vie des individus. Rares, les témoignages sur les relations que les grands parents entretiennent avec les enfants n'en laissent pas moins apparaître des sentiments profonds et une forte connivence.


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